L'EQUIPAGE

Cliquez sur les vignettes pour les visionner dans une nouvelle fenêtre


Mon grand-père était membre d'équipage de ce bateau. Je l’ai appris dès le début de mes (récentes) recherches généalogiques sur Généanet (www.geneanet.org), par ces quelques lignes :
Pierre, Prosper GUEVEL

  • Né le 17 avril 1885 (vendredi) - Tréboul
  • Décédé le 31 mars 1927 (jeudi) - En mer, à bord du dundée "Telen Mor", à l’âge de 41 ans
  • Inscrit maritime au Quartier de Douarnenez, n° 10728, le 21 juin 1903

Aussitôt je faisais quelques recherches et j’apprenais le drame qui avait coûté la vie à 18 marins ! Je trouvais la liste, les noms, les âges, de 16 à 49 ans … Depuis lors cette histoire n’a cessé de me revenir à l’esprit. Et je décidais d’approfondir mes recherches sur ce naufrage, son équipage et cet homme que même mon père n’avait pas connu puisqu’il avait 4 ans en 1927 …
Voici le résultat de ces premières recherches (début octobre)

D'après les informations publiées à l'époque, l’équipage habituel de "Telen Mor" était composé de 21 hommes.
Mais trois d’entre eux ne prirent pas la mer le 22 (24?) mars 1927. J’ignore la raison : maladie, accident, démission ou plus simplement le destin ? … Retrouver leurs identités et donc leurs descendants restent un point important car tout témoignage pourrait nous éclairer sur la vie à bord du bateau, le type de pêche, la suite de leur vie maritime …

Quant aux 18 marins portés disparus voici la triste liste :

  • Henri PERHERIN - 38 ans - patron
  • François BRUSQ - 39 ans
  • Pascal CELTON - 32 ans
  • Guillaume CELTON - 17 ans
  • Alfred CHAPALAIN - 25 ans
  • Pierre GUEVEL - 42 ans
  • Jean Guillaume GUICHAOUA - 42 ans
  • Hervé JONCOUR - 28 ans
  • Corentin LAGADEC - 48 ans
  • Hervé LE DOARE - 32 ans
  • François LE GOUIL - 34 ans
  • René LOZACHMEUR - 49 ans
  • Eugène LOZACHMEUR - 18 ans
  • Alfred MOREAU - 38 ans
  • Joseph PERNES - 16 ans
  • Alain QUERE - 19 ans
  • Eugène URCUN - 39 ans
  • René VIGOUROUX - 23 ans

Mise à jour du 03/11/2017
Suite à un déplacement au Service Historique de la Défense à Brest, j'ai pu consulter le rôle d'équipage complet du bateau ainsi que les fiches d'inscription maritime des 21 marins.

Les 3 marins absents le jour du naufrage ont en fait débarqué à Tréboul le 26 mars 1927, en repos vraisemblablement, après 23 jours de mer puisque leur précédente date d'embarquement était le 03 mars.

Mise à jour du 21/11/2017
Information recueillie auprès de Joël Perrot, ancien patron-pêcheur: une règlementation interdisait d'embarquer plus de 18 marins à bord des bateaux de pêche. Il y avait donc bien une rotation de l'équipage, certains marins pouvant être retenus à terre pour raisons familiales ou de santé.

La liste de l'équipage est donc maintenant complète (*)




Détail de l'Equipage


>> Quelques photos de nos marins disparus sont  à voir sur cette page


La première chose qui frappe c’est le nombre de marins à bord. "Telen Mor" ne mesure que 15 m de long pour 6 m de large … (voir la page consacrée au bateau) et un tel équipage semble démesuré …

Après quelques recherches sur Internet j’ai trouvé l’explication dans un extrait du livre «Douarnenez de 1800 à nos jours» de Jean-Michel Le Boulanger (Presse Universitaire de Rennes)

La pêche au maquereau de ligne, très ancienne, se déroule en général de juin à septembre-octobre au sud de l’île de Sein, «dans la mer de droite». C’est une alternative à la sardine de rogue, pour les patrons qui ne peuvent ou ne veulent y armer. Si le maquereau de ligne engage peu de dépenses, les gains restent, souvent, modestes.

La pêche au maquereau de dérive, elle, se développait anciennement au large du Guilvinec. Mais au début du XXe siècle, les lieux de pêche évoluent. Dès 1896, les chaloupes commencent à fréquenter le sud-ouest du raz de Sein. Puis la pêche se déplace vers l’ouest d’Ar Men, l’Iroise et Ouessant.

Au printemps, de février à juin, le maquereau de dérive se pêche à bord de fortes chaloupes. La crise de la sardine (voir graphique en bas de page) lui donne un vrai regain d’intérêt. 15 constructions sont livrées en 1910, 9 en 1911, 27 en 1912, 40 en 1913. À la mauvaise saison, ces chaloupes sont parfois les seules à donner du travail.

En février 1922, deux équipages douarnenistes prennent la mer à bord de dundées thoniers pour se rendre vers des lieux de pêche plus lointains: Sorlingues(*) et mer d’Irlande. Les patrons sont Prosper Belbeoc’h et Henri Doaré. C’est le succès. D’autres les imitent à bord de dundées entièrement pontés. En 1927, on dénombre que 75 des 91 dundées qui se livrent à cette pêche sont douarnenistes (cité par D’Avigneau, 1956). La production de maquereau de dérive passe de 1880 tonnes en 1910 à 4400 tonnes en 1937. Dès 1924, en effet, la majorité des fortes chaloupes du port ont été re-pontées pour participer à ces campagnes difficiles et dangereuses. Le coût de ces navires fait que le patron n’en est plus toujours le propriétaire exclusif mais généralement le premier actionnaire.

La communauté des marins reste, cependant, exceptionnellement soudée. D’une part, les équipages sont souvent pléthoriques : on embarque jusqu’à 22 hommes, pour éviter aux matelots chômage et inactivité. «Le fait d’embarquer plus d’équipiers, avec moins de filets par tête, permettait à un plus grand nombre de gagner leur vie.» (Tud ha bro, 1982.) Une veuve de pêcheur peut ainsi faire embarquer à bord des filets qui lui rapporteront une demi-part, l’autre demi-part revenant à un homme embarqué sans filet. Cette pratique à l’égard des veuves, qui s’exerce pleinement dans le cadre de la pêche au maquereau de dérive, est un vrai exemple de solidarité maritime.

(*) Les îles Scilly, anciennement Sorlingues, sont un archipel situé en mer Celtique, et à l’ouest-sud-ouest de la péninsule de Cornouailles, dont elles ne sont éloignées que de 45 kilomètres - (cliquez ici pour afficher une carte).


Le témoignage d’un ancien pêcheur du Guilvinec nous éclaire sur la question des filets mentionnés ci-dessus.

… De mars jusqu’à juin avait lieu la pêche aux maquereaux :
Chaque marin possédait 8 filets. Il n’était pas rare que lors d’un mariage, l’on offre au marié, en tant que présent, des filets à maquereaux ou à sardines. Ceux-ci avaient de la valeur, surtout les filets à maquereaux. Quand les marins embarquaient, on reliait ses filets avec ceux des autres pour n’en former qu’un grand. Mais les huit filets n’étaient jamais reliés l’un à coté de l’autre. On alternait avec ceux des autres pêcheurs de sorte que, s’il survenait un accident à un endroit du filet, le même marin ne les perde pas tous. On lançait le filet au coucher du soleil, et vers trois ou quatre heures du matin on le ressortait. Cette opération pouvait durer jusqu’à six heures. Lorsque 3 à 4000 maquereaux avaient été pêchés le bateau rentrait au port.

De toute façon, quand la pêche était mauvaise, les bateaux ne restaient pas plus de deux à trois jours en mer, étant donné qu’il n’y avait pas de glace pour conserver le poisson.

Ce témoignage est intéressant à double titre car il évoque aussi la durée des sorties en mer (1 à 3 jours). Or les dépêches des journaux semblent dire que l’on avait pas eu de nouvelles de Telen Mor depuis qu’il avait quitté Tréboul (voir la page Naufrage) ce qui semble logique compte tenu de son éloignement. Il devait donc débarquer sa pêche dans des ports de la Manche … Mais où ? Probablement côté anglais... Là encore des témoignages seraient nécessaires pour mieux comprendre (dans la série des ouvrages "Ar Vag" -1 à 5- le tome 1 évoque cette pêche aux maquereaux de dérive, dont quelques extraits sont repris sur une page particulière - lien ci-dessous).


Pour en savoir plus sur la pêche du maquereau de dérive que pratiquait Telen Mor, Cliquez ICI


(*) A l'exception des 3 derniers marins, tous les noms ont été rendus public par voie de presse de l'époque et sont donc aujourd'hui sur différents supports Internet. Par respect pour les familles, si l'une d'entres elles souhaitait ne pas figuer sur ce site et ne pas participer à cette démarche de mémoire, elle doit prendre rapidement contact avec l'auteur pour être retirée. Merci.
   


Sardine-déclain de la pêche
   
le naufrage l'équipagele bateau le projetles infos

(site mis en ligne en octobre 2017)